1. Comprendre la ménopause : un changement de phase, pas une défaillance

Sur le plan biomédical, la ménopause correspond à l’arrêt définitif des règles et de l’ovulation, en lien avec la baisse de la production d’œstrogènes et de progestérone. La plupart des femmes traversent cette période entre 45 et 55 ans, avec des symptômes possibles :

• bouffées de chaleur et sueurs nocturnes,

• troubles du sommeil, irritabilité, anxiété,

• sécheresse vaginale, baisse ou fluctuation du désir,

• prise de poids, fatigue, douleurs articulaires,

• parfois baisse d’estime de soi, tristesse ou sentiment de perte de repères.

Des enquêtes montrent que plus de 80 % des femmes occidentales présentent des symptômes, et qu’une proportion importante les vit comme franchement pénibles.

Dans d’autres cultures, notamment en Asie, la ménopause est parfois vécue de façon moins pathologique et davantage comme un changement de statut, ouvrant à une forme de maturité et d’autorité tranquille.

Dans cette perspective, la ménopause n’est pas seulement un « problème à corriger » mais une transition : « La ménopause n’est pas une fin, c’est un passage d’un type d’énergie à un autre. »

2. Le regard de la médecine traditionnelle chinoise sur la ménopause

2.1 Le rôle du Rein et de l’Essence (Jing)

En MTC, le Rein (Shèn) est appelé « la racine de la vie ». Il stocke l’Essence (Jing), gouverne la croissance, le développement, la fertilité, les os, le cerveau et la longévité.

Selon la tradition chinoise :

• La première moitié de la vie féminine est portée par l’abondance de Jing du Rein, qui soutient le cycle menstruel et la fertilité.

• Avec l’âge, cette Essence diminue naturellement : les règles deviennent irrégulières puis cessent.

La ménopause est donc comprise comme une transformation naturelle du Jing, non comme une anomalie. Mais si ce Jing est affaibli de manière excessive, ou si Yin et Yang du Rein sont fortement déséquilibrés, des troubles importants peuvent apparaître.

2.2 Vide de Yin du Rein, vide de Yang, Foie et Rate

Les praticiens de MTC observent que la majorité des femmes ménopausées présentent un vide de Yin du Rein : le Yin, aspect frais, nourrissant et humidifiant, se raréfie, laissant le Yang (chaleur, feu) relativement en excès.

Ce déséquilibre peut se manifester par :

• bouffées de chaleur, rougeur du visage,

• sueurs nocturnes, chaleur des paumes et des plantes de pieds,

• sécheresse (peau, muqueuses),

• insomnie, agitation mentale,

• irritabilité, anxiété, palpitations.

D’autres tableaux sont également fréquents :

• Vide de Yang du Rein : frilosité, douleurs lombaires, fatigue chronique, baisse marquée de la libido, possible prise de poids ;

• Stagnation du Qi du Foie : humeur changeante, irritabilité, sensation d’oppression dans la poitrine, règles irrégulières en périménopause, douleurs mammaires ;

• Vide de la Rate : ballonnements, fatigue post-prandiale, prise de poids, ruminations mentales, tendance à la rétention d’eau.

Chaque femme présente une combinaison singulière de ces déséquilibres : la MTC ne traite pas « la ménopause » en général, mais cette femme-là, dans son terrain et son histoire.

3. Comment la médecine chinoise peut accompagner la ménopause

La MTC dispose de plusieurs outils complémentaires, toujours utilisés dans le cadre d’un bilan énergétique personnalisé :

• Acupuncture (ici sans aiguilles) ou stimulations énergétiques des méridiens,

• Moxibustion (chaleur douce sur certains points),

• Tui Na (massage énergétique, mobilisations),

• Phytothérapie chinoise (plantes),

• Diététique énergétique,

• Qi Gong et conseils d’hygiène de vie.

Des études cliniques suggèrent que l’acupuncture et la pharmacopée chinoise peuvent soulager certains symptômes (bouffées de chaleur, troubles du sommeil, humeur), même si ces approches ne remplacent pas, d’un point de vue scientifique, les traitements médicaux validés quand ils sont nécessaires.

De manière générale, l’orientation du traitement sera de :

• Nourrir le Yin du Rein pour apaiser les bouffées de chaleur, les sueurs, la sécheresse,

• Harmoniser Cœur–Rein pour calmer l’anxiété, les palpitations, l’insomnie,

• Dégager le Foie pour fluidifier les émotions, la colère, le vécu d’injustice,

• Tonifier la Rate pour soutenir la digestion, le poids et la clarté mentale.

« Le but n’est pas de faire taire le corps, mais de lui rendre une circulation harmonieuse, afin qu’il puisse accompagner sereinement la transformation intérieure. »

Important : la MTC s’inscrit en complément du suivi gynécologique ou endocrinologique. Elle ne remplace pas le diagnostic médical ni les traitements prescrits. Toute modification de traitement hormonal substitutif doit être discutée avec le médecin prescripteur.

4. La ménopause comme moment d’individuation (C. G. Jung)

Pour Carl Gustav Jung, la vie psychique ne se réduit pas à l’adaptation sociale ou à la sexualité reproductive. À la « seconde moitié de la vie », un autre mouvement se fait sentir :

• la recherche de sens,

• la confrontation à la finitude,

• la nécessité d’assumer son individualité propre, au-delà des rôles (mère, épouse, professionnelle, fille de…).

   

Jung parle de processus d’individuation : un chemin par lequel la personne devient davantage elle-même, en intégrant ses parts inconscientes (ombre, animus, archétypes).

Chez de nombreuses femmes, la ménopause coïncide avec :

• le départ des enfants,

• la réorganisation du couple,

• des réorientations professionnelles,

• le bilan de ce qui a été vécu… ou sacrifié.

Dans cette perspective,

« La ménopause marque souvent le passage de la femme de la fonction de mère à celle de gardienne de sa propre flamme intérieure. »

L’archétype de la Vieille Sage, de la « grand-mère intérieure », peut alors émerger : une féminité moins centrée sur la séduction et la fertilité, davantage orientée vers la transmission, la lucidité, l’intériorité.

5. Quand les symptômes parlent : lecture symbolique et énergétique

Les symptômes physiques ne sont pas « psychologiques » au sens d’illusoires, mais ils peuvent être lus aussi comme des signes porteurs de sens, en lien avec la MTC et la psychologie jungienne. Par exemple :

• Bouffées de chaleur, rougeurs, irritabilité : en MTC, excès relatif de Yang, feu interne qui monte. Symboliquement, cela peut évoquer une colère ancienne, des désirs ou des paroles longtemps retenus qui cherchent à s’exprimer.

• Sueurs nocturnes, insomnie, anxiété : agitation du Cœur et du Shen (l’Esprit), difficulté à « se déposer ». Sur le plan jungien, il peut s’agir d’une psyché en travail, qui sollicite davantage l’attention aux rêves, à l’imaginaire, à la vie intérieure.

• Prise de poids, ralentissement, fatigue : possible vide de Rate ou de Yang. Symboliquement, un besoin de densité, de protection, d’enracinement, parfois une difficulté à « lâcher » certaines charges ou loyautés.

• Sécheresse (muqueuses, peau) : raréfaction des liquides Yin. Métaphoriquement, on peut y entendre une invitation à retrouver des formes de « lubrification » intérieure : créativité, plaisir, douceur envers soi.

Ces liens symboliques ne sont ni des causes uniques, ni des culpabilisations. Il s’agit de pistes d’exploration :

« La question n’est pas : “qu’ai-je fait de mal ?”, mais : “qu’est-ce que mon corps et mon âme essaient de me dire ensemble ?” »

6. Croiser MTC et psychologie jungienne dans l’accompagnement

Un accompagnement intégratif, associant MTC et approche jungienne, peut se déployer en plusieurs temps :

1. Temps d’écoute et de parole

   • histoire de vie,

   • contexte actuel (couple, travail, famille),

   • vécu de la ménopause (honte, soulagement, colère, tristesse…),

   • rêves récents, images marquantes, fantasmes, craintes.

2. Bilan énergétique de MTC

   • observation du teint, de la langue,

   • prise des pouls,

   • évaluation des cycles de sommeil, digestion, élimination, douleurs, etc.

3. Séance de soin énergétique

   • travail sur les méridiens Rein, Foie, Rate, Cœur…,

   • stimulation de points particuliers (sans aiguilles si tel est le choix du praticien),

   • éventuellement moxibustion, Tui Na, conseils de Qi Gong ou d’auto-massage.

4. Mise en sens psychique et symbolique

   • exploration des rêves ou des images apparues pendant le soin,

   • repérage des archétypes à l’œuvre (Mère, Vieille Sage, Animus, Ombre),

   • réflexion sur les changements de place dans la famille, dans la société, dans le couple,

   • accompagnement à poser des choix plus ajustés au désir profond.

On peut alors aider la patiente à passer d’un vécu de fatalité subie (« je vieillis, mon corps me lâche ») à un vécu de passage initiatique (« quelque chose se termine, autre chose cherche à naître »).

« Quand le feu des bouffées de chaleur est apprivoisé, il peut devenir un feu de conscience. »

7. Quelques axes concrets pour traverser ce passage

Voici quelques pistes générales (à adapter au cas par cas, et toujours en lien avec votre médecin traitant et vos soignants) :

7.1 Prendre soin du Yin et apaiser le feu

Du point de vue énergétique :

• privilégier une alimentation suffisamment hydratante et tiède (soupes, légumes cuits, céréales complètes, huiles de bonne qualité),

• réduire l’excès d’aliments « échauffants » : alcool, épices fortes, café en excès, aliments très gras ou industriels,

• éviter les repas pris dans la précipitation ou dans le stress, qui blessent la Rate et aggravent les déséquilibres.

Un travail en MTC pourra viser à :

• nourrir le Yin du Rein et du Foie,

• harmoniser le Cœur,

• calmer le Shen pour améliorer le sommeil.

7.2 Soutenir la psyché : Jung, rêves et créativité

Sur le plan psychologique, quelques pistes :

• Tenir un journal de rêves : noter les images, les symboles, les situations récurrentes ; ce matériau est précieux pour comprendre ce qui se transforme en profondeur.

• Pratiquer une activité créative (écriture, peinture, musique, jardinage, danse…) : laisser circuler l’énergie de vie autrement que par la seule performance ou le « prendre soin des autres ».

• Réfléchir aux rôles : que souhaitez-vous garder de votre rôle de mère, d’épouse, de professionnelle ? Que souhaitez-vous laisser ? Quelle femme voulez-vous devenir maintenant ?

• Envisager une psychothérapie d’orientation jungienne pour être accompagnée dans ce travail d’individuation, de deuil et de renaissance.

7.3 Quand consulter en priorité

Il est important de consulter rapidement un médecin en cas de :

• saignements anormaux après la ménopause,

• douleurs pelviennes ou mammaires persistantes,

• amaigrissement ou prise de poids inexpliqués,

• fatigue extrême, fièvre, symptômes inhabituels.

La MTC et l’accompagnement psychothérapeutique viennent alors en soutien, pour aider le corps et la psyché à mieux traverser la période, mais ne remplacent jamais les examens et traitements nécessaires.

8. Conclusion : accueillir la femme sage qui vient

La ménopause est souvent redoutée comme une perte : perte de jeunesse, de sexualité, de fécondité. Dans la vision conjointe de la MTC et de la psychologie jungienne, elle peut au contraire devenir :

• un retour à la Source du Rein, cette racine de vie qu’il s’agit de protéger et de nourrir ;

• une opportunité d’individuation, pour se dégager des rôles imposés et se rapprocher de ce qui fait le cœur vivant de son être ;

• une ouverture vers la figure de la femme sage, capable de se tenir debout dans son axe, avec une parole plus libre, plus juste, plus intérieure.

« La ménopause n’est pas seulement la fin du cycle menstruel ; c’est souvent le début d’une parole nouvelle, d’une façon inédite d’habiter son corps, son désir et sa vie. »

Un accompagnement associant médecine traditionnelle chinoise et approche jungienne peut vous aider à transformer ce passage parfois difficile en chemin de maturation, où le corps, l’âme et l’esprit sont écoutés ensemble.